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PHOTOS D'ALEXANDRIE

Al Mex, aujourd'hui

 

 

 

 

Restaurant Sea Gull

Restaurant Sea Gull

Restaurant Sea Gull

Canal Noubareya. Ce canal relie la mer au Lac Mariout.

Canal Noubareya. Ezbet Al Sayyadine.

 

 

Fort Bab El Arab

 

 

 

 

Baie de Bab el Arab

 

 

 

 

Entrée du Port Ouest

 

Photos prises par Sandro (octobre 2007) et Olivier Guignard (2008) 

 

Al-Max, or the Oriental Venice

 

 

Texte paru dans "Al-Ahram Hebdo", 20-26 août 2008, numéro 728.

Insolite. La beauté et la nature vierge de Ezbet Al-Sayyadine, près d’Alexandrie, cachent le quotidien pesant des milliers de familles de pêcheurs qui s’y sont réfugiés. Marginalisés, ils payent en silence le prix de cette extase de l’amour de la mer, leur seul gagne-pain.

 

Attires dans les filets du Mex

 

A l’ouest d’Alexandrie et sur la route de Agami, se trouve un endroit insolite, bien caché et qui suscite la curiosité des passants. Du charme, de la fraîcheur et une nature vierge qui constituent un véritable tableau de peinture pleine de beauté et de vie. On l’appelle la Vénise d’Alexandrie. De vieilles maisons, dont les façades de certaines sont peintes de couleurs vives, se dressent de manière anarchique. Les unes accolées aux autres et d’un style architectural qui permet à tous leurs habitants d’admirer l’eau de leurs balcons. Des poissons et des sirènes de mer sont dessinés sur les murs ainsi que des phrases incarnant l’importance du lieu sont inscrites, du genre « Les habitants de la Ezba sont comme les poissons, ils ne peuvent pas vivre en dehors de l’eau ». Une phrase qui reflète le tempérament des gens de la Ezba et leur manière de penser. Chaque habitation possède des escaliers qui mènent à une sorte de grenier au premier étage. Des bâtisses s’étendent sur les deux rives d’une baie venant du lac Mahmoudiya, qui rencontre à sa fin l’eau de la mer Méditerranée, dans une divine beauté, à l’autre côté du pont. Et malgré les traces du temps sur les maisonnettes dont certaines sont sur le point de s’effondrer, le lieu, connu sous le nom de Ezbet Al-Sayyadine, au quartier d’Al-Mex, garde toujours cette étrange attraction.

Des bateaux et des felouques amarrés devant les habitations, des filets et d’autres équipements de pêche sont éparpillés un peu partout. L’odeur des poissons est omniprésente. Là, des milliers de familles à Ezbet Al-Sayyadine et ses alentours n’ont d’autres activités que la pêche. Dès que l’on pose les pieds dans ce lieu splendide, il est difficile de contenir cette envie de s’enfoncer dans le monde de ses habitants, qui semblent vivre dans l’isolement. Des hommes de la mer qui ont du mal à révéler leur détresse.

Une pêche miraculeuse

Dès le lever du soleil, ils prennent leurs bateaux pour traverser la baie appelée Al-Khandaq (le détroit) pour se diriger vers la mer et ramasser les filets lancés la veille dans l’après-midi. Cela ne prend qu’une heure ou deux, puis toutes les embarcations retournent dans une scène rappelant celle de la traversée du Canal de Suez lors de la guerre de 1973. Cependant, ici, l’on ne sort pas toujours vainqueur. Et comme on peut le lire sur les coques des bateaux et ce à quoi tous croient ferme, le rizq (gagne-pain) est entre les mains de Dieu. Donc, certains pêcheurs peuvent retourner avec une cinquantaine de kg, alors que d’autres n’en auront pêché qu’un seul. Des beaux ou des mauvais jours, ils se sont habitués à cela. Et ce sont les commerçants qui leur prêtent de l’argent lorsqu’ils reviennent bredouilles. « Il n’y a pas un seul pêcheur qui ne soit pas endetté auprès des commerçants ou même des banques, surtout après la flambée des prix des filets de pêche. Le kilo peut coûter entre 15 et 100 L.E. », explique Youssef, un des vieux pêcheurs. Il n’ont pas le choix, comme le dit Youssef, c’est un métier qui se perpétue de père en fils, surtout que la plupart des pêcheurs de la région sont analphabètes. « Il faut donc se débrouiller pour nourrir nos enfants », dit-il, tout en ajoutant que même après de longues années de travail, un pêcheur ne perçoit que 80 L.E. de retraite à l’âge de 65 ans.

Un marché hyperactif

De l’autre côté, au bord de la mer, règne une grande agitation où des étalages de différentes espèces de poissons sont exposées un peu partout. Des commerçants, des vendeurs et des clients viennent se ravitailler en poissons frais. Ils ne cessent de discuter des prix, pendant que des enfants font le va-et-vient essayant de soutirer quelques sous d’ici ou de là. En fait, un souk est créé en plein air. Un marché qui s’ouvre dès que les pêcheurs sont de retour et même bien avant. « Nous n’attendons pas que nos pêcheurs reviennent pour savoir les quantités de poissons qu’ils vont ramener. Le portable a facilité la communication », explique Moustapha, commerçant, tout en ajoutant que le prix des poissons est fixé par une vente aux enchères qui a lieu sur place. « Ensuite, les poissons sont acheminés vers les autres souks d’Alexandrie ou même vers d’autres gouvernorats », dit-il.

Quelques pêcheurs reviennent avec une bonne pêche tandis que d’autres rentreront bredouilles, malgré les risques, comme le cas de Youssef qui vient de perdre son cousin, il y a deux semaines. Un sentiment d’insécurité auquel se sont habitués ces pêcheurs. Ajoutés à cela les vols qui se sont multipliés dans la région. Ibrahim, avec 9 personnes à charge, explique de son coin dans le café surnommé « les contes du Mex » que son bateau qui lui a coûté 6 000 L.E. a été volé depuis plusieurs mois et il n’arrive pas à le récupérer bien qu’il ait intenté un procès-verbal.

« Il y a des garde-côtes qui nous empêchent de sortir en mer sans autorisation, mais qui ne semblent pas être responsables de notre sécurité », dit l’un des pêcheurs.

 Une question de vocation ?

Un manque de sécurité qui fait que des jeunes ont commencé à se droguer le soir et commettent parfois des délits de vol. Question de manque d’éducation, mais aussi de services vitaux dans notre ezba, comme l’explique Khaled, 22 ans, un passionné de la mer depuis sa tendre enfance. Cependant, il a décidé d’être un pêcheur instruit. Il a étudié la géographie et l’enseigne dans une école. Il regrette que la plupart des familles des pêcheurs de la région ne s’intéressent pas à l’éducation de leurs enfants. « Ils pensent qu’il est préférable de gagner 10 ou 15 L.E. par jour que d’obtenir un certificat et rester sans emploi », dit Khaled en ajoutant que l’oisiveté dont souffrent les jeunes après leur retour de la pêche aggrave la situation. Pas de centre de jeunesse, ni de cafétérias ou d’autres moyens de divertissement. « Ce qui pousse certains parfois à commettre des bêtises », dit la mère de Khaled et qui depuis la mort de son mari n’autorise plus ses enfants à sortir de la maison après la prière du Eacha (environ 9h du soir).

Ayant un bateau de pêche portant les noms des cinq frères et sœurs, la famille de Khaled semble être un cas particulier. Tous sont tiraillés entre la passion de la mer et son revenu parfois rentable et l’envie de s’instruire et chercher des conditions de vie meilleures, et même ailleurs.

Attiré par la mer, sa passion et son gagne-pain, Ossama a laissé tomber ses études pour poursuivre l’itinéraire de son père. Quant à Tareq, il refuse de se lancer complètement dans la pêche. Il se sent même un peu timide en accueillant des visiteurs avec ses vêtements qui sentent le poisson. Sa mère explique qu’elle a dû acheter une petite machine à laver pour faire la lessive tous les jours. Cependant, elle insiste pour dire qu’ils ne laisseront jamais tomber la pêche, leur seul gagne-pain, et ce en leur préparant le petit-déjeuner, un mets composé de poissons frais. Et même si sa modeste maison a commencé à connaître quelques traits de modernité comme un ordinateur, elle est obligée de laisser le sol vide de tapis parce qu’ils seront évidemment salis par ses enfants lorsqu’ils rentrent de la pêche.

Une jeune génération qui semble tiraillée entre l’argent et le prestige, entre la vie dans une région sauvage à Ezbet Al-Sayyadine et une autre qui pourrait leur présenter plus de commodités ailleurs. « Ici, il n’y a pas d’hôpital, ni de souk, seulement une boulangerie et une pharmacie », dit Khaled qui s’indigne de ce manque de services vitaux dans la région. Cependant et malgré tous les inconvénients et la vétusté des maisons qui risquent de s’effondrer à tout moment et tuer leurs occupants, les pêcheurs refusent toute proposition pour quitter les lieux. « Plusieurs fois, on nous a demandé de quitter nos maisons pour des projets de restauration, ou des projets dans le cadre d’un plan pour le développement du port d’Alexandrie, mais on a refusé », dit Ahmad en ajoutant qu’il est hors de question de le faire, même contre un million de L.E. pour chaque famille. « Ici, c’est notre gagne-pain, nous avons les yeux sur nos bateaux et si un jour la mer se lève, on se presse pour ramasser nos filets. Nous sommes comme les poissons qui dès qu’ils sortent de l’eau meurent », dit-il. Sa femme ajoute timidement : « Rien ne peut compenser cette fraîcheur et ce beau temps ».

Ce qui fait que n’importe quelle maison ici ne peut être vendue qu’à 50 000 ou 60 000 L.E. et seulement à quelqu’un de la famille.

Une région d’une valeur inestimable et que rien ne peut compenser aux yeux de ses habitants, comme le raconte Sayed, qui répare avec un groupe de pêcheurs un filet de pêche. De petits travaux avant d’aller se coucher à 9h. Une nuit qui tombe et une région qui perd tout signe de vie jusqu’au lendemain, à l’aube, où la vie recommence.

Sayed explique que cette Ezba a attiré beaucoup de gens, en particulier des comédiens et chanteurs. Youssef intervient pour citer l’exemple du chanteur Hani Chaker qui est venu filmer son vidéoclip ici. « Les scènes du feuilleton La nuit de l’arrestation de Fatma ont été jouées au milieu de nos maisons, et depuis quelques mois, le comédien Ahmad Ezz a joué des scènes de son film Al-Chabah (le fantôme) chez nous », dit Youssef avec un ton de fierté.

Une beauté et une singularité qui attirent même des étudiants de beaux-arts et les bénévolats des ONG, y compris des étrangers qui viennent pour donner un coup de peinture ou réparer quelques maisons afin de préserver cette nature vierge de la région.

Cependant, personne ne tient compte des soucis des pêcheurs qui y vivent et dont les jours ne sont pas filés d’or et de soie.

Doaa Khalifa

 

Al Mex, hier

Début années 1900

Début années 1900

Casino Mex, île de Sirène. Début années 1900

Les bains du Mex. 1904

Mex. Chalet des vagues. Année 1903.

Mex, Café et bains. Année 1903

Le phare du Mex. Début année 1900.

 

 

Ces cartes postales anciennes appartiennent à la collection de Suzanne Kupper-Bless et de Max Karkegi.

 

 

 

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