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POESIES

La crême, le miel et la rose

(Conseils pour un dessert)

Mario Vicchi, alias Marius d'Alexandrie,
Rome, juillet 2015

Pour tous ceux qui, comme moi-même,

Défaillent devant un bol de crème,

La moindre corne de gazelle

 Ou une basboussa au miel,

 Voici quelques conseils d'ami

Dont vous ferez votre profit.

Commencer par un repas léger

 Est un gage de longévité,

Outre que cela permet

 De reculer pour mieux sauter :

 Un riz pilaf ou quelques pâtes,

 Précédés de mezzés spartiates

 Lubrifieront votre estomac

 En vue du premier baklava.

 Dans la liste des desserts du chef

 Je recommande les katayefs

Ou, mieux encore, l'omm-Aly,

Idéale avant d'aller au lit,

Plus légère qu'une ghorayyéba

 Et plus encore qu'une kounafa.

 Un p'tit conseil élémentaire

A propos de l'hygiène dentaire :

Si vous avez plus de vingt ans

Et que vous tenez à vos dents

 N'imitez en aucune façon

 Le mordu des snane-l'agouza

 Qui sacrifia sa dentition

 Tant il mordit et en abusa....

Mieux vaut un eish-el-saraya,

 Un sahleb ou un ma'amoul,

savoureux et tout aussi cool.

 Et s'il vous reste un petit creux

 Offrez-vous un loukoum ou deux,

Ou alors un loukoumadis;

Oui mais un seul, pas cinq ou six !

 Pour ceux parmi les plus voraces

 Qui se délectent de mélasse :

Diluez-la dans la tahine

 Et dégustez-la en tartines ;

 Mais à dose homéopathique,

Faute de quoi, bonjour la colique !

 Cela dit, le cholestérol

 Vous nargue au fond de la casserole

 Avec son compère le diabète

 Omniprésent et qui vous guette.

 Alors attention s'il-vous-plaît :

 N'abusez pas des glaces au lait !

 Pour bien caler votre bedaine

 En rafraîchissant votre haleine

 Rien de tel qu'un sirop de roses,

 Remède souverain de l'alitose,

 Arrosé d'un café glyco,

 Avant de brosser vos chicots...

 

 

Ode à la molokhéya

Mario Vicchi, alias Marius d'Alexandrie,
Rome, juin 2014

(Molo, molo....molo !)

Quelle est cette panacée, d'une puissance redoutable ,

Qui, en nous rassasiant, nous rend invulnérables ?

Qui excite les neurones, stimule la matière grise

Et nous insuffle au coeur une langueur exquise ?

Ce met lucullien que l'on sert à la louche,

Et dont l'évocation nous met l'eau à la bouche ?

Chargé de vitamines, potassium, carotène,

Ce délice des rois, ce pyro-énergène,

Ce plat sui generis, pour ne pas dire unique,

Dont la réputation remonte aux temps antiques,

Vénéré des Romains, des Hellènes. des Puniques,

De l'Egypte à l'Indus, en passant par l'Afrique,

Ce plat - que dis-je ce plat ? - ce nectar d'Horus

Que Cléopâtre offrait à son amant Julius,

Et l'Empereur Hadrien au bel Antino-us,

N'est autre que le... "Corchorus olitorius " ....


Mais foin des quolibets et sourires ironiques 

Car c'est, en bon latin, son nom patronymique !

Connu sous d'autres noms au fil des millénaires :

"Molo" pour les modernes, ou "corette potagère" ,

Ce potage capiteux, qui embaume les chaumières,

Dope nos énergies, nos forces immunitaires.

Dénigré par certains, qui le trouvent "gluant",

Je l'estime, quant à moi, velouté, gouleyant...

Sa robe est d'un vert Nil  tirant sur le moiré ;

Très légèrement soyeux, il caresse le gosier.

Selon qu'on y ajoute pain grillé, viande ou riz,

En fonction des recettes, sa consistance varie.


Dûment assaisonné au vinaigre ou citron,

Agrémenté d'ail, de coriandre et d'oignon,

Ce met flatte le palais... et dégage le côlon !

Il est à déguster avec modération,

Car l'excès en tout nuit. Comme l'affirme Aristote,

Les bonnes choses de la vie se savourent en litote.

Trois conseils sont de mise : Molo , molo ...molo !

Deux assiettées suffisent ; la troisième est de trop.

Nous lui devons beaucoup , clamons fort ses mérites

En lui rendant céans  l'hommage qu'il mérite .....

 

 

J'allais au cinéma...

Souvenir d'un potache d'Alexandrie

Mario Vicchi, alias Marius d'Alexandrie

Rome, décembre 2013

Il y en avait à foison

A quatre pas de ma maison.

J'allais à pied ; une brève balade

Menait au cinéma FOUAD

Qui projetait des films français

En v.o. .....hélas censurés...

D' "Ignace"" à "La Chartreuse de Parme"

J'y ai pleuré et ri aux larmes !

 

Quant au ROYAL, c'qui m'ravissait

C''était ses lumières tamisées

Et son beau rideau mordoré;

Mais aussi la proximité

De la Caf. -la porte à côté-

Où ventre à terre j'accourais

A peine la séance terminée !

 

Super- écran panoramique,

Venant tout droit des Amériques,

Rutilant de lumières et d'ors,

Cinémascope-Technicolor, ,

L'AMIR, tout comme Athinéos,

Etait l'rendez-vous des "beaux gosses"

(J'étais trop jeune, bien que précoce...)

 

Mais là où j'allais au galop

C'était au cinéma METRO

Car tous les films y faisaient mouche,

D'Esther Williams à Scaramouche.

J'en garde le souvenir ravi

D' "Un Américain à Paris"

(Gershwin, Kelly et Guétary).

 

Pendant les vacances d'été

J'allais parfois à la GAITE

Et - plus rarement - à l'ODEON,

Mais c'était loin de la maison...

 

Et qui se souvient encore

De ce charmant petit trésor

Qu'était la Terrasse du RIO,

Le "Roof" comme on disait alors ?

Ouvert sitôt qu'il faisait chaud,

On y voyait, au clair de lune,

Tino Rossi chantant sa brune

Et des bijoux en noir et blanc,

De "Casablanca" à "Tarzan".

 

J'allais très rarement au PLAZA,

Et encore moins à  l'ALHAMBRA,

Car- trop fréquentés par la plèbe-

On en sortait.... couvert de lebb.

 

Last but not least, à mon avis

La reine des salles d'Alexandrie

C'était le MOHAMED-ALY,

Un cinéma contre-nature,

Le Fregoli des salles obscures.

Bon an mal an, tous les six mois,

Changeant d'épiderme et d'emploi,

D'abord théâtre, puis opéra,

Il se mutait en cinéma.

 

Perdant ses ors et falbalas,

D'un seul coup de baguette magique,

Virant du lyrique au comique,

La "Traviata" et "Tannhauser"

Cédaient la place aux Marx Brothers.

 

Tout le monde y trouvait son compte :

Potaches, mélomanes et vieux pontes...

 

 

Nos accents de là-bas

Mario Vicchi, alias Marius d'Alexandrie

Rome, le 1 fevrier 2013

 

Chacun avait le sien

Libanais, Egyptiens

Italiens, Turcs ou Grecs

Migrants de Palestine

Albanais ou bien Tchèques

Chacun portait au bec

Son poinçon d'origine.

Pourtant nous émettions

A peu près les mêmes sons

Certains étaient aigus

D'autres un peu plus graves

Mais de tous émanaient

Un arôme suave

Une fragrance fruitée

Mi-mangue, mi-goyave

Des nasales languissantes

 Des voyelles hésitantes

Une syntaxe bancale

Mais toujours musicale

Qui font qu'où que je sois

N'importe où sur la Terre

A l'instant je repère

A cent mètres de moi

Un ami, un compère

Un copain de là-bas ....

 

 

Le borsalino, le homar et la queue de renard

Fable de Mario Vicchi, alias Marius d'Alexandrie

Rome, le 5 juin 2009

 

Le printemps était là ; c'était Cham-el-Nessim.

La terre était joyeuse et le peuple était beau.

Un homar kayyéfait en mâchant du bersim,

arborant un splendide chapeau borsalino.

 

Sa calotte de feutre -un trou pour chaque oreille-

laissait passer doucement la brise printanière.

Le ciel était limpide et un sage soleil

vous faisait adorer la terre toute entière.

 

Les relents du kabab qui grillait sur des sikh,

des boulettes et du foul et de la bastourma,

ainsi que de l'oignon, de l'ail et du fessikh,

chatouillaient les narines des gars et des fatmas.

 

Or dans ce paysage idyllique à souhait,

un renard en goguette, plutôt désargenté,

aperçoit le homar en train de kayyéfer,

son chapeau flambant neuf sur son crâne planté.

 

"Bientôt il fera chaud," se dit le canidé.

"Le Khamsin va sévir, le soleil va darder,

et moi -pourtant malin- je n'peux même pas m'offrir

le moindre galurin ; j'en ai honte à mourir !"

 

Alors se souvenant que, dès la communale,

il avait étudié Esope et Juvénal,

il décide d'éprouver, pour son compte personnel,

la sagesse éculée des fables éternelles,

 

"Baaaanjour !" dit le renard, réveillant en sursaut

le baudet somnolant à l'ombre des fougères.

"Je parie volontiers que ton borsalino

te fait faire des ravages parmi tes congénères !"

 

"Crois-tu !" dit le homar, "Je ne sais pas y faire !

J'ai le look, peut-être, hélas pas la manière.

Apprends-moi s'il-te plaît, par-delà mes oeillères,

à basbasser, draguer et séduire la moukère."

 

Que croyez-vous que fit notre ami le maccar ?

Il se frotta les pattes : "Je le ferai dare-dare !"

Et en un tournequeue voici qu'il subtilise

le précieux galurin, l'objet des convoitises...

 

C'est à ce moment-là qu'à toute pompe débouche

un beau hantour conduit par un mec à tarbouche

qui va s'écrabouiller, pour éviter des gosses,

directo sur un tram qui venait de Bacos.

 

Le sang coulait à flots, la scène était dantesque.

Le cheval du hantour saigna jusqu'à la mort.

Le renard fut broyé et disparut -ou presque :

seule sa queue frétillait, sectionnée de son corps !

 

"Que voici une belle queue !" se dit notre homar.

Reprenant son chapeau, il ramassa l'organe.

"Avec mon couvre-chef et cette queue de renard

Je serai le plus riche au royaume des ânes !"

 

"J'offrirai la parure à la plus belle ânesse

et j'en ferai vite fait ma fidèle maîtresse !"

Voici donc, de la fable, toute l'immoralité :

Une jolie queue vaut mieux qu'une grande habileté ...

 

 

Le kharabeau et le homar

Mario Vicchi, alias Marius d'Alexandrie

(Rome, fin du XXéme siécle)

Ostaz kharabeau, perché sur un dattier,

Portait sur sa tête un tarbouche.

Un homar pas si bête, par la couleur tenté,

Décida d'lui cirer les babouches.

 

"Yay, Ostaz Kharabeau,

Que vous êtes joli, que vous me semblez beau !

Vos babouches vont si bien avec votre tarbouche !

Vous êtes l'Omar Sharif de Glyménopoulo !"

 

A ces mots, Kharabeau ne se sent plus pisser ;

Il frétille des fesses,

Il opine du bonnet....

Et laisse tomber son fez...

 

Le homar s'en saisit et dit :

Tout flatteur par principe

Est cireur de babouches ;

Cette leçon, bien classique,

Vaut sûrement un tarbouche !"

 

Kharabeau, honteux et confus,

Jura, basta trop tard,

Qu'il marcherait pieds nus.....

 

Le point sur le Kharabeau

(Mario Vicchi, alias Marius d'Alexandrie, Rome le 10 mai 2017)



Le Kharabeau, mine de rien,

Poursuit son bonhomme de chemin

De Glym jusqu'à Bahr el Séghir

En bifurquant par Aboukir


De Knokke-Le-Zoute jusqu'à Paris

Et de Marseille à Sanary

Du Liban jusqu'en Israel

Intrépide, à tire d'aile,


Il a survolé tous les ports

Sans exhiber de passeport...

On dira tout ce qu'on voudra

Il est fortiche cet oiseau là !


Il s'est faufilé par traitrise

Entre les pages d'une Maîtrise

Et s'est posé, Dieu lui pardonne,

Dans les archives de la Sorbonne


Last but not least, à ma stupeur

Il s'est glissé chez les bonnes soeurs

De la Casa di Riposò

Non, c'est vraiment un drôle d'oiseau !




Sire-Sarasire, ou le Caliphe cafardeux.

(Extrait de "La mille-et-deuxième nuit"), traduit de l'arabe par Mario Vicchi,alias Marius d'Alexandrie, Rome, le 15 février 2016)
 
C'est l'histoire d'un Caliphe (de Bagdad bien entendu) qui était jeune, beau et riche. En plus, il avait un harem, je n'te dis pas : des brunes, des blondes, des Circasiennes, des filles d'Alexandrie, bref la crême de la crême, et pourtant il avait tout le temps le cafard ! Alors, il convoque son vizir Ja'afar ben Ja'afar et lui dit à peu près ceci : "Je suis jeune, beau et riche. En plus j'ai un harem, je n'te dis pas : des brunes, des blondes, des Circasiennes, des filles d'Alexandrie, bref la crême de la crême, et pourtant j'ai tout le temps le cafard ; que me conseilles-tu ? Le vizir réfléchit et répond : "Sire-Sarasire (c'était le surnom que lui avait donné le peuple à cause de son cafard proverbial), il faut que tu consultes le Grand-Sage-de-Tes-Deux". Alors le Caliphe qu'est-ce-qu'il fait : il convoque le Grand-Sage-de-Ses-Deux et, comme il avait un début d'Alzhaimer, il lui dit :"Je suis jeune, beau et riche. En plus, j'ai un harem, je n'te dis pas : des brunes, des blondes, des Circasiennes, des filles d'Alexandrie, bref la crême de la crême, et pourtant j'ai tout le temps le cafard; que me conseilles-tu ?"
 
Et voici la réponse du Grand-Sage-de-Ses-Deux : "Si tu veux être heureux, il suffit que tu te procures le téléphone portable d'un homme heureux"
 
Ni une ni deux, qu'est-ce-qu'il fait le Caliphe ? Hein ? Il convoque son vizir et lui dit "Voici un sac d'or et de pierres précieuses. Prends ma caravane diplomatique personnelle, va, alli-allo, dans tous les coins de l' Empire , déniche-moi un homme heureux , achète-lui son portable à n'importe quel prix et rapporte-le moi illico avec l'aide d'Allah !"
 
Sitôt dit sitôt fait : Au bout de trois mois et un jour, le vizir est de retour à Bagdad. Grande fête au Palais ! Les houris, toutes nues, dansent au son du oud et de la tarabocca de Abd el Wahhab, et le Caliphe en personne vient l'accueilir à la douane.  Alors, lui dit le Caliphe cafardeux, j'avais hâte (prononcer: "hhhate") de te revoir ?  As-tu trouvé l'homme heureux ?
 
"Oui, Sire-Sarasire, je l'ai trouvé, répond le vizir... mais hélas il n'avait pas de portable !"
 "Qu'on lui coupe les oreilles !", dit le Caliphe furieux .
"Mais non", dit le vizir sur un ton obséquieux ,
Et en mettant l'accent sur la moindre syllabe,
"Il mérite le Nobel; il vous sera précieux :
Ce gueux, ce parasite, ce fils de chien galeux
A quand même inventé le téléphone arabe !"
 

Alexandrie, Alexandra ?

(Mario Vicchi, alias Marius d'Alexandrie, février 2017)


Nouvelle version d'Alexandrie de Matt Pokora!
 

Alexandrie, Alexandra ?

La Maison blanche ou la Casba ?

Un hot-pants ou une mélaya ?

Costume-cravatte ou abaya ?


Agami ou l'Enfant Plaza ?

Le Potomac ou Montaza ?

Un hamburger ou une kofta ?

Un biftek frites ou des dolma  ?



Coriandre ou épicéa ?

Ice-cream-soda ou dandourma ?

Omm Kalsoum ou Barbara ?

Aurais-je perdu la cabeza ?....

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Point de vue

(Mario Vicchi, Rome le 22 janvier 2019)



 Tout est question de point de vue;

Ce que l'on voit depuis la rue,

Surpeuplement, misère et crasse,

Ne se voit pas de la terrasse


Mais alors quel enchantement,

Eliminant poussière et  vent,

De caresser d'un seul coup d'oeil

L'Egypte entière... de son fauteuil !...


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Rue de la gare du Caire

(Mario Vicchi, alias Marius d'Alexandrie, Rome, février 2020)


Rien n'est plus comme avant, rue de la gare du Caire,

Lorsque je dévalais quatre à quatre l'escalier

 

De l'ancienne maison qu'habitait mon grand-père

Pour me rendre à l'école, édudier l'anglais.

 

Sous le joug d'une cravatte, hélas réglementaire,

Exposé aux rayons d'un soleil d'enfer,

 

Regrettant amèrement la fraîcheur de mon lit,

Je trottais maudissant la reine d'Angleterre

 

Vers la British Boys' School qui s'évertuait à faire

D'un petit francophone un "British" accompli...

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Cologny, le 19 février 2020

 

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