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POESIES
Mario Vicchi, alias Marius d'Alexandrie,
Rome, juillet 2015
Pour tous ceux qui, comme moi-même,
Défaillent devant un bol de crème,
La moindre corne de gazelle
Dont vous ferez votre profit.
Commencer par un repas léger
Outre que cela permet
Ou, mieux encore, l'omm-Aly,
Idéale avant d'aller au lit,
Plus légère qu'une ghorayyéba
A propos de l'hygiène dentaire :
Si vous avez plus de vingt ans
Et que vous tenez à vos dents
Mieux vaut un eish-el-saraya,
savoureux et tout aussi cool.
Ou alors un loukoumadis;
Oui mais un seul, pas cinq ou six !
Diluez-la dans la tahine
Faute de quoi, bonjour la colique !
Ode à la molokhéya
Mario Vicchi, alias Marius d'Alexandrie,
Rome, juin 2014
Quelle est cette panacée, d'une puissance redoutable ,
Qui, en nous rassasiant, nous rend invulnérables ?
Qui excite les neurones, stimule la matière grise
Et nous insuffle au coeur une langueur exquise ?
Ce met lucullien que l'on sert à la louche,
Et dont l'évocation nous met l'eau à la bouche ?
Chargé de vitamines, potassium, carotène,
Ce délice des rois, ce pyro-énergène,
Ce plat sui generis, pour ne pas dire unique,
Dont la réputation remonte aux temps antiques,
Vénéré des Romains, des Hellènes. des Puniques,
De l'Egypte à l'Indus, en passant par l'Afrique,
Ce plat - que dis-je ce plat ? - ce nectar d'Horus
Que Cléopâtre offrait à son amant Julius,
Et l'Empereur Hadrien au bel Antino-us,
N'est autre que le... "Corchorus olitorius " ....
Mais foin des quolibets et sourires ironiques
Car c'est, en bon latin, son nom patronymique !
Connu sous d'autres noms au fil des millénaires :
"Molo" pour les modernes, ou "corette potagère" ,
Ce potage capiteux, qui embaume les chaumières,
Dope nos énergies, nos forces immunitaires.
Dénigré par certains, qui le trouvent "gluant",
Je l'estime, quant à moi, velouté, gouleyant...
Sa robe est d'un vert Nil tirant sur le moiré ;
Très légèrement soyeux, il caresse le gosier.
Selon qu'on y ajoute pain grillé, viande ou riz,
En fonction des recettes, sa consistance varie.
Dûment assaisonné au vinaigre ou citron,
Agrémenté d'ail, de coriandre et d'oignon,
Ce met flatte le palais... et dégage le côlon !
Il est à déguster avec modération,
Car l'excès en tout nuit. Comme l'affirme Aristote,
Les bonnes choses de la vie se savourent en litote.
Trois conseils sont de mise : Molo , molo ...molo !
Deux assiettées suffisent ; la troisième est de trop.
Nous lui devons beaucoup , clamons fort ses mérites
En lui rendant céans l'hommage qu'il mérite .....
J'allais au cinéma...
Souvenir d'un potache d'Alexandrie
Mario Vicchi, alias Marius d'Alexandrie
Rome, décembre 2013
Il y en avait à
foison
A quatre pas de ma maison.
J'allais à pied
; une brève balade
Menait au cinéma FOUAD
Qui projetait des films français
En v.o. .....hélas censurés...
D' "Ignace"" à "La Chartreuse de Parme"
J'y ai pleuré et ri aux larmes !
Quant au ROYAL, c'qui m'ravissait
C''était ses lumières tamisées
Et son beau rideau mordoré;
Mais aussi la proximité
De la Caf. -la porte à côté-
Où ventre à terre j'accourais
A peine la séance terminée !
Super- écran panoramique,
Venant tout droit des Amériques,
Rutilant de lumières et d'ors,
Cinémascope-Technicolor, ,
L'AMIR, tout comme Athinéos,
Etait l'rendez-vous des "beaux gosses"
(J'étais trop jeune, bien que précoce...)
Mais là où j'allais au galop
C'était au cinéma METRO
Car tous les films y faisaient mouche,
D'Esther Williams à Scaramouche.
J'en garde le souvenir ravi
D' "Un Américain à Paris"
(Gershwin, Kelly et Guétary).
Pendant les vacances d'été
J'allais parfois à la GAITE
Et - plus rarement - à l'ODEON,
Mais c'était loin de la maison...
Et qui se souvient encore
De ce charmant petit trésor
Qu'était la Terrasse du RIO,
Le "Roof" comme on disait alors ?
Ouvert sitôt qu'il faisait chaud,
On y voyait, au clair de lune,
Tino Rossi chantant sa brune
Et des bijoux en noir et blanc,
De "Casablanca" à "Tarzan".
J'allais très rarement au PLAZA,
Et encore moins à l'ALHAMBRA,
Car- trop fréquentés par la plèbe-
On en sortait.... couvert de lebb.
Last but not least, à mon avis
La reine des salles d'Alexandrie
C'était le MOHAMED-ALY,
Un cinéma contre-nature,
Le Fregoli des salles obscures.
Bon an mal an, tous les six mois,
Changeant d'épiderme et d'emploi,
D'abord théâtre, puis opéra,
Il se mutait en cinéma.
Perdant ses ors et falbalas,
D'un seul coup de baguette magique,
Virant du lyrique au comique,
La "Traviata" et "Tannhauser"
Cédaient la place aux Marx Brothers.
Tout le monde y trouvait son compte :
Potaches, mélomanes et vieux pontes...
Nos accents
de là-bas
Mario Vicchi, alias Marius d'Alexandrie
Rome, le 1
fevrier 2013
Chacun avait le sien
Libanais, Egyptiens
Italiens, Turcs ou Grecs
Migrants de Palestine
Albanais ou bien Tchèques
Chacun portait au bec
Son poinçon d'origine.
Pourtant nous émettions
A peu près les mêmes sons
Certains étaient aigus
D'autres un peu plus graves
Mais de tous émanaient
Un arôme suave
Une fragrance fruitée
Mi-mangue, mi-goyave
Des nasales languissantes
Des voyelles hésitantes
Une syntaxe bancale
Mais toujours musicale
Qui font qu'où que je sois
N'importe où sur la Terre
A l'instant je repère
A cent mètres de moi
Un ami, un compère
Un copain de là-bas ....
Le borsalino, le homar et la queue de renard
Fable de Mario Vicchi, alias Marius d'Alexandrie
Rome, le 5 juin 2009
Le printemps était là ; c'était Cham-el-Nessim.
La terre était joyeuse et le peuple était beau.
Un homar kayyéfait en mâchant du bersim,
arborant un splendide chapeau borsalino.
Sa calotte de feutre -un trou pour chaque oreille-
laissait passer doucement la brise printanière.
Le ciel était limpide et un sage soleil
vous faisait adorer la terre toute entière.
Les relents du kabab qui grillait sur des sikh,
des boulettes et du foul et de la bastourma,
ainsi que de l'oignon, de l'ail et du fessikh,
chatouillaient les narines des gars et des fatmas.
Or dans ce paysage idyllique à souhait,
un renard en goguette, plutôt désargenté,
aperçoit le homar en train de kayyéfer,
son chapeau flambant neuf sur son crâne planté.
"Bientôt il fera chaud," se dit le canidé.
"Le Khamsin va sévir, le soleil va darder,
et moi -pourtant malin- je n'peux même pas m'offrir
le moindre galurin ; j'en ai honte à mourir !"
Alors se souvenant que, dès la communale,
il avait étudié Esope et Juvénal,
il décide d'éprouver, pour son compte personnel,
la sagesse éculée des fables éternelles,
"Baaaanjour !" dit le renard, réveillant en sursaut
le baudet somnolant à l'ombre des fougères.
"Je parie volontiers que ton borsalino
te fait faire des ravages parmi tes congénères !"
"Crois-tu !" dit le homar, "Je ne sais pas y faire !
J'ai le look, peut-être, hélas pas la manière.
Apprends-moi s'il-te plaît, par-delà mes oeillères,
à basbasser, draguer et séduire la moukère."
Que croyez-vous que fit notre ami le maccar ?
Il se frotta les pattes : "Je le ferai dare-dare !"
Et en un tournequeue voici qu'il subtilise
le précieux galurin, l'objet des convoitises...
C'est à ce moment-là qu'à toute pompe débouche
un beau hantour conduit par un mec à tarbouche
qui va s'écrabouiller, pour éviter des gosses,
directo sur un tram qui venait de Bacos.
Le sang coulait à flots, la scène était dantesque.
Le cheval du hantour saigna jusqu'à la mort.
Le renard fut broyé et disparut -ou presque :
seule sa queue frétillait, sectionnée de son corps !
"Que voici une belle queue !" se dit notre homar.
Reprenant son chapeau, il ramassa l'organe.
"Avec mon couvre-chef et cette queue de renard
Je serai le plus riche au royaume des ânes !"
"J'offrirai la parure à la plus belle ânesse
et j'en ferai vite fait ma fidèle maîtresse !"
Voici donc, de la fable, toute l'immoralité
:
Une jolie queue vaut mieux qu'une grande habileté ...
Le kharabeau et le homar
Mario Vicchi, alias Marius d'Alexandrie
(Rome, fin du XXéme siécle)
Ostaz
kharabeau, perché sur un dattier,
Portait sur sa tête un tarbouche.
Un homar pas si
bête, par la couleur tenté,
Décida d'lui cirer les babouches.
"Yay, Ostaz Kharabeau,
Que vous êtes joli, que vous me semblez beau !
Vos babouches vont si bien avec votre tarbouche !
Vous êtes l'Omar Sharif de Glyménopoulo !"
A ces mots, Kharabeau ne se sent plus pisser ;
Il frétille des fesses,
Il opine du bonnet....
Et laisse tomber son fez...
Le homar s'en saisit et dit :
Tout flatteur par principe
Est cireur de babouches ;
Cette leçon, bien classique,
Vaut sûrement un tarbouche !"
Kharabeau, honteux et confus,
Jura, basta trop tard,
Qu'il
marcherait pieds nus.....
Point de vue
(Mario Vicchi, Rome le 22 janvier 2019)
Rue de la gare du Caire
(Mario Vicchi, alias Marius d'Alexandrie, Rome, février 2020)
Rien n'est plus comme avant, rue de la gare du Caire,
Lorsque je dévalais quatre à quatre l'escalier
De l'ancienne maison qu'habitait mon grand-père
Pour me rendre à l'école, édudier l'anglais.
Sous le joug d'une cravatte, hélas réglementaire,
Exposé aux rayons d'un soleil d'enfer,
Regrettant amèrement la fraîcheur de mon lit,
Je trottais maudissant la reine d'Angleterre
Vers la British Boys' School qui s'évertuait à faire
D'un petit francophone un "British" accompli...
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Cologny, le 19 février 2020
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